23 avril 2022, en soirée, j’apprends le décès d’Arno.
Il y a quatre jours, j’ai réalisé que je venais de passer 29 années en fauteuil roulant. Contre 24 et demi debout.
Il y a deux semaines, en écoutant Charlatan, j’ai décidé d’acheter les albums d’Arno qui me manquaient, c’est-à-dire tous sauf Charlatan, Ratata et À La Française. Parce que j’aime explorer le répertoire des artistes, des formations dont j’apprécie la musique. Si ça n’était pas une énormité, un contresens et sûrement une névrose en plus d’être une impossibilité matérielle, j’achèterais l’intégralité des discographies des gens dont j’apprécie peu ou prou la musique. Pour embrasser le tableau du talent dans toute son amplitude. Parce qu’une œuvre ne se donne pas, ne se comprend pas, ne s’étreint pas par petits morceaux ; pas plus que la complexité, la profondeur d’une personnalité ne se dévoilent en quelques minutes. Une forme de loyauté, cette disposition de l’esprit qui m’habite jusque dans ses extrémités les plus embarrassantes.
Cela faisait donc deux semaines que j’écoutais les albums d’Arno.
Je le savais malade et je savais que la nature de son mal était implacable. Peut-être inconsciemment ai-je voulu me rapprocher de ce pauvre gars qui devait déguster depuis 2019.
Peut-être que la culpabilité s’en est mêlée. Une culpabilité que j’identifie ce soir comme une sorte de besoin de suivre, accompagner ces gens qui me procurent des émotions et du plaisir à travers leur musique. J’ai lâché Arno vers 1995, après À La Française. Plus de 25 ans de culpabilité. Loyauté, mon cul !
Je me souviens avoir découvert sa musique en 1988, chez mes potes de l’époque qui avaient la cassette de Charlatan. Je crois me souvenir que tout le monde trouvait ça très sympa, entraînant et « marrant » en raison des paroles et du phrasé particulier d’Arno.
J’ai vite acheté le CD à qui je donnais Ratata et l’album éponyme comme compagnons deux ans plus tard.
Je trouvais ça plus que sympa, c’étaient quasiment les seuls disques francophones que j’écoutais avec ceux de Kat Onoma. Deux formations diamétralement opposées dans leur philosophie.
1993, je m’enroule autour d’un rail de sécurité, Idiots Savants passe totalement inaperçu et je ne sais pas comment j’apprends l’existence de À La Française, pas plus que comment j’en achète un exemplaire puisque, en 1995, année de sortie de cet album, je ne pense qu’à mourir ou pas loin.
Plus rien jusqu’à il y a deux semaines, si ce n’est de rares coups d’oreille sur les sites internet à partir du début du 21° siècle.
Ce soir, Arno n’est plus et je dois encore aller chercher Brussld au bureau de poste. Après ça, j’aurais tous les albums d’Arno. Il ne le saura pas, peut-être se serait-il moqué de l’info.
Ce soir, le Rock a perdu un peu de son Roll…

« J’ai eu une vie merveilleuse, j’ai voyagé partout dans le monde grâce à la musique, j’ai joui de la vie. Je prends ce bonheur avec moi. Merci la vie ! Mais maintenant, dans mon état… Aujourd’hui prime. Dans l’état dans lequel je suis aujourd’hui, le passé n’existe plus, seule compte la vérité » (dans l’émission Boomerang, France Inter, 23 mars 2022)

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