Joyeux anniversaire !
Les dates anniversaires ont ceci d’idiot qu’on ne peut s’empêcher d’y penser alors qu’elles sont objectivement insignifiantes.
19 avril 1993 – 19 avril 2023.
Trente ans.
360 jours en service de rééducation plus 29 ans et cinq jours de paraplégie.
Paraplégie définitive. Pas de lueur dans le tunnel.
Paraplégie haute. Aucun équilibre, la peur du vide du lever au coucher.
Paraplégie flasque. Aucune activité réflexe, comme un âne mort embarqué.
Paralysie radiale complète et cubitale partielle du bras gauche (MSG, pour plagier certains bouchers du monde médical), autant dire moitié de tétraplégie. Hémi-tétraplégie ?
Trente putains d’années passées au sein d’une société avancée, moderne, égalitaire, inclusive.
Trente ans avec une obole pour vivre, mais c’est là le moindre des maux, car l’obole en question n’est pas rachitique et s’assortit d’exonérations et d’aides financières… qu’il faut quêter, traquer, réclamer, exiger, au nom de lois dont personne ne rend compte, pas même celles et ceux dont c’est le métier. Parce que « ça coûte un pognon de dingue ».
Trente ans à s’user l’espoir en cherchant des places pour garer son véhicule, à défaut de transports en commun adaptés ; espérer l’absence d’obstacles ; prier pour la bienveillance de propriétaires, à défaut de celle de l’état ou des collectivités locales ; pester contre la politique du logement, de la santé, de l’urbanisme…
(La liste est très longue, je me l’épargne).
Cent mille espoirs battus froid par une société avancée, moderne, égalitaire, inclusive.
Espérer pour pouvoir vivre. Un peu. Gratter un peu d’air frais entre la mort évitée de justesse trente ans auparavant et celle, inéluctable, qui arrivera de façon prématurée parce que. Parce que la paralysie ne pardonne pas plus que la société avancée, moderne, égalitaire, inclusive.
Déjà quelques années que j’ai cessé d’espérer, que je survis en continuant de subir. Mais ça ne m’empêche pas d’ouvrir ma gueule pour témoigner.
Joyeux anniversaire, Inbadreams !
Arno n’est plus
23 avril 2022, en soirée, j’apprends le décès d’Arno.
Il y a quatre jours, j’ai réalisé que je venais de passer 29 années en fauteuil roulant. Contre 24 et demi debout.
Il y a deux semaines, en écoutant Charlatan, j’ai décidé d’acheter les albums d’Arno qui me manquaient, c’est-à-dire tous sauf Charlatan, Ratata et À La Française. Parce que j’aime explorer le répertoire des artistes, des formations dont j’apprécie la musique. Si ça n’était pas une énormité, un contresens et sûrement une névrose en plus d’être une impossibilité matérielle, j’achèterais l’intégralité des discographies des gens dont j’apprécie peu ou prou la musique. Pour embrasser le tableau du talent dans toute son amplitude. Parce qu’une œuvre ne se donne pas, ne se comprend pas, ne s’étreint pas par petits morceaux ; pas plus que la complexité, la profondeur d’une personnalité ne se dévoilent en quelques minutes. Une forme de loyauté, cette disposition de l’esprit qui m’habite jusque dans ses extrémités les plus embarrassantes.
Cela faisait donc deux semaines que j’écoutais les albums d’Arno.
Je le savais malade et je savais que la nature de son mal était implacable. Peut-être inconsciemment ai-je voulu me rapprocher de ce pauvre gars qui devait déguster depuis 2019.
Peut-être que la culpabilité s’en est mêlée. Une culpabilité que j’identifie ce soir comme une sorte de besoin de suivre, accompagner ces gens qui me procurent des émotions et du plaisir à travers leur musique. J’ai lâché Arno vers 1995, après À La Française. Plus de 25 ans de culpabilité. Loyauté, mon cul !
Je me souviens avoir découvert sa musique en 1988, chez mes potes de l’époque qui avaient la cassette de Charlatan. Je crois me souvenir que tout le monde trouvait ça très sympa, entraînant et « marrant » en raison des paroles et du phrasé particulier d’Arno.
J’ai vite acheté le CD à qui je donnais Ratata et l’album éponyme comme compagnons deux ans plus tard.
Je trouvais ça plus que sympa, c’étaient quasiment les seuls disques francophones que j’écoutais avec ceux de Kat Onoma. Deux formations diamétralement opposées dans leur philosophie.
1993, je m’enroule autour d’un rail de sécurité, Idiots Savants passe totalement inaperçu et je ne sais pas comment j’apprends l’existence de À La Française, pas plus que comment j’en achète un exemplaire puisque, en 1995, année de sortie de cet album, je ne pense qu’à mourir ou pas loin.
Plus rien jusqu’à il y a deux semaines, si ce n’est de rares coups d’oreille sur les sites internet à partir du début du 21° siècle.
Ce soir, Arno n’est plus et je dois encore aller chercher Brussld au bureau de poste. Après ça, j’aurais tous les albums d’Arno. Il ne le saura pas, peut-être se serait-il moqué de l’info.
Ce soir, le Rock a perdu un peu de son Roll…
« J’ai eu une vie merveilleuse, j’ai voyagé partout dans le monde grâce à la musique, j’ai joui de la vie. Je prends ce bonheur avec moi. Merci la vie ! Mais maintenant, dans mon état… Aujourd’hui prime. Dans l’état dans lequel je suis aujourd’hui, le passé n’existe plus, seule compte la vérité » (dans l’émission Boomerang, France Inter, 23 mars 2022)
Nouveau retour en selle
De temps à autre, en lisant les quatre numéros qui composent une date chiffrée, je ne peux m’empêcher de penser à ces instants coincés dans le passé durant lesquels je me demandais où je serais en 2000 tout en calculant l’âge que j’aurais alors. Ma vie a dérapé plus de six années avant d’obtenir une réponse ordinaire pour m’en apporter une tout à fait inattendue.
Ce soir, je me dis la même chose pour ce site, à ceci près que ma vie n’a pas dérapé, c’est juste moi qui roule à vue et qui donne cette couleur indécise à son contenu.
Pour un peu plus de confusion, je recopie ci-dessous trois anciens éditos. Les autres n’ont plus lieu d’être, ces trois-là ont encore leur mot à dire.
Quant à ce soir, 01 mars 2022, j’ajoute quelques articles.
Christophe est mort...
02 février 2021.
Ce matin, quelqu'un m'a appelé pour me dire « Christophe est mort ».
Bon.
Si je n'avais pas eu l'identité de mon interlocutrice sous le nez, si les circonstances n'avaient pas été ce qu'elles étaient, en clair si je n'avais pas su de qui elle parlait, j'aurais fait une blague à deux balles dont je suis coutumier.
Là, non.
Parce que je savais de qui elle parlait.
Parce que Christophe avait disparu des radars depuis sept jours.
Parce que Christophe était mal.
Malade. Enchaîné. Soufrant. Depuis longtemps.
Il s'était confié à moi. C'était mon ami. Un ami qu'on voit peu, avec qui on se répète qu'on va se faire une bouffe. Une bouffe qu'on ne se fait jamais. Parce qu'il était très occupé. Parce que je suis un con. Christophe, je t’aime. Je crois te l’avoir dit autrement qu’en ces termes mais j’aurais dû te le dire comme ça. Je suis navré. On se la fera cette bouffe, hein ? Un jour, là-haut. Et on boira de l’eau. On boira de l’eau.
Édito apériodique ?
J'ai pris une décision : écrire un édito par mise à jour ; ce sera une façon détournée de donner un aspect de blog à ce site. Le plus récent au début de cette page, jusqu'au premier, celui de... 2016. J'inaugure cette nouvelle façon de faire aujourd'hui, 12 février 2020, c'est-à-dire presque un mois après la précédente mise à jour. Qui était déjà riquiqui. Oui, j'écris peu. Sur ce site. Et sur les fichiers signés de moi. Moi... l'auteur présumé. Et je culpabilise. Oh non, pas parce que c'est contraire à la morale mais plutôt parce que cela va à l'encontre de mon éthique. Mais pas seulement. Parce que, à mon âge, avec une paraplégie et une volonté farouche d'indépendance, le quotidien est une charge formidable qui ronge tout, qui rogne tout et surtout... la vie. Mais pas seulement. Je ne sais pas travailler sur de courtes périodes, je ressens le besoin d'être libre de m'allonger entre les mots que je parviens à taper pour les agencer, les contempler, les réviser. Pour cela, j'ai besoin de n'avoir aucune contrainte temporelle et c'est exactement ce que je ne peux faire à cause du quotidien. Quotidien qui n'est pas que contrainte, fort heureusement, mais aussi joie. Joie à laquelle je m'abonne et m'adonne, raisons de plus de procrastiner sur l'écrit. Voilà, c'est dit, ce site sera rare alors... à bientôt !
Retour en selle – édito originel
J'ai failli trouver le temps long. Pas que j'imagine que mon absence ait fait des impatients, mais, quand on considère la date à laquelle j'ai décidé de « me consacrer à l'écriture », c'est-à-dire fin 2011, il est légitime de s'interroger sur les raisons qui m'ont amené à reculer cette échéance de sept ans. Parce que, oui, ça y est, je me consacre à l'écriture - fin 2016 - et la renaissance de ce site en est à la fois la démonstration et la locomotive. Démonstration parce que je me servirai de ce support pour soliloquer, commenter, chroniquer (1), mais aussi donner des nouvelles de mes productions écrites (projets, avancement des textes, publications) ; locomotive parce que j'ai bon espoir que la tenue de ce journal de bord me motive à continuer dans cette voie. Sept ans, disais-je. Le temps pour moi de déménager, être congédié par ma compagne, puis de faire le ménage dans mon existence. Le ménage en question étant destiné à m'aider à passer le pas vers une sorte de nouvelle vie, celle d'auteur. Auteur actif, je veux dire. Par actif, j'entends produire ; ne plus me contenter de fanzines, d’articles épars, d’ateliers d’écriture infructueux et de dizaines de notes partout égarées et tenter d'être publié. Ou pas. Ces deux derniers mots trouveront une explication quelque part sur ce site. Pour l’heure, en cette fin d’année 2018, j’ai publié une poignée de nouvelles, j’ai essuyé mon premier refus au printemps dernier (j’ai trouvé ça formateur) et je collabore le plus souvent avec les éditions Scriptarium. Quant au site, je n'entre pas dans les détails ici, le principe est de disséminer les informations, combiner le factuel et le ressenti, perdre les hypothétiques lecteurs en quelque sorte et les pousser à tout lire. Les articles sont datés ou situés dans le temps (mais pas agencés de façon chronologique)... pour la plupart ; le reste n'a pas besoin de l'être. La seconde option (imaginer qu'un internaute lise l'intégralité du bouillon indigeste qu'est ce site) est illusoire mais, j'aime me bercer d'utopies de toute nature. Je ne signe pas ce billet, on sait tous qui parle, du moins quel cryptonyme signe les papiers, et il n’est possible que de me lire, je suis l'unique auteur de tout ce qui se trouve dans ce coin du web. S'il te prenait l'envie de m'écrire, cher internaute manifestement perdu, tu peux le faire à cette adresse :
epistole [chez] inbadreams [point] com
Je remets le site en ligne fin 2018. Il est encore un peu (2) vide, mais les envies sont là…
PS : à l'attention de celles et ceux qui... je pouffe, pardon, l'idée que des gens me lisent m'est hilarante.
(1) en parlant de chroniques, l'usage veut que les passages où le rédacteur dévoile un ou plusieurs éléments d'intrigue lorsqu'il parle d'un livre, d’un film ou d'une série, soient signalés d'une façon ou d'une autre. Alors, non seulement il ne faudra pas compter sur moi pour employer un mot anglais à cette fin, mais il ne faudra pas même espérer que ce genre de pratique m'effleure. Si l'intérêt d'un film était tout entier contenu dans un de ses rebondissements, le cinéma se résumerait aux affaires de gros sous d'hollywood.
(2) euphémisme qui colle très bien à notre époque bouffie de l'angoisse de paraître résolu. Dans les faits, ce site est dramatiquement vide, comparé à la masse de ce qui attend d'être copié de mes carnets de notes, écrit au pied levé ou imaginé. La bouteille se remplit goutte à goutte…