L'Alchimiste, Paolo Coelho
Joli conte. Sexiste, mais joli.
Mais pourquoi ce con de Coelho est-il allé lui ajouter cet épilogue qui le défigure et lui fait perdre tout son sens et, j'oserais dire, sa morale ?
(note pour moi-même : dans le vide, on ne t'entend pas crier, mon poussin)
Westworld, saison 1
Jonathan Nolan, frère de l’autre qui pondit deux films avant de sombrer corps et âme dans la corruption. Jonathan Nolan est, avec sa conjointe Lisa Joy, scénariste de la série Westworld. Ces deux-là poussent là une réflexion sur l'écriture, une sorte de prise de recul sur leur propre travail, peut-on supposer. Cette réflexion est toute entière résumée dans le discours d'un personnage à la fin de l'ultime épisode de la saison 1. Mais alors, pourquoi trois saisons (et plus à venir) pour un propos qui peut tenir en une ? La réponse est invariable avec hollywood : « Vous aurez tout ce qui vous a toujours plu : des surprises et de la violence ». Alors qu’on a deux auteurs qui veulent parler de leur boulot. Le résultat à l’écran est, encore une fois, invariable : ça essaye de tout faire, tragédie grecque, œufs de pâques, etc. Dans un enrobage de surprises et de violence avec du sexe et de la violence banalisés. Et puis, bien entendu, hollywood ne saurait exister sans le tour de passe-passe qui émaille toutes les séries, tous les films : la chronologie. Ailleurs, on voyage dans le temps, ici on… voyage dans le temps grâce à des séquences rétrospectives mêlées au récit mais on prend bien soin de ne pas le signaler pour que le spectateur pense qu'il assiste à une scène concomitante à ce qu'il vient de voir. Que nenni ! il comprendra plus tard qu'il s'agissait du passé et la surprise est artificiellement créée. Magie ! La magie est l’art de manipuler les gens, faut-il le rappeler. Le récit, le fondement même des séries américonnes, peut être qualifié d'elliptique, de sorte qu'il n'est plus récit mais énigme. Cela devient sa raison d'être. Et c'est là-dessus que Jonathan et son épouse perdent leur âme de conteur et, on pourrait le dire de tous les scénaristes californiens. À la fin, les robots conscients déferlent dans la réalité pour faire leur révolution et tout va recommencer dans un cadre différent. On appellera ça la saison 2 et ce sera sans moi.
PS : j’ai vu cette saison en VOST et je dois dire que les Dubbing Brothers en charge de la traduction ne connaissent que la moitié de la règle de la forme négative des phrases… ce qui fait négligé pour une traduction.
The History of Time Travel, Ricky Kennedy (2014)
L’autre jour ; c’était un matin vers 13:30, après l’haltère au lit, le thé, le café, les œufs, le yaourt, les respis, les étirements, le pédalier sur le bureau, les e-mails du jour, les réponses aux posts sur le forum Scriptarium et les réponses brutales au questionnaire de satisfaction de SFR qui tente de pratiquer sur ma personne le vol caractérisé depuis… quatre mois. La saisine a été postée ce matin, si j’arrive à mes fins – le remboursement de 6.66 euros indûment réclamés – je pense que ça me procurera autant de plaisir que si je pouvais vivre dans la chanson Samantha Black.
Nanananana…
Fichier extrait de mon disque, tous droits réservés, blablabla...
L’autre jour, alors que j’étais confronté à un épisode fébrile de nature mystérieuse, j’ai regardé The History of Time Travel (THT) de Ricky Kennedy. Ricky Kennedy qui n’a pas fait qu’écrire et réaliser ce film puisqu’il a participé à presque toutes les étapes techniques de THT, devait avoir la foi. Ou besoin de se nourrir et se loger. De quoi parle THT ? De l’histoire du voyage dans le temps et pas d’une histoire de voyage dans le temps. La nuance est aussi importante que pour A History of Violence, réalisé par Dieu, interprété par Viggo mais, c’est moins intéressant pour Vig. À ce moment-là de votre lecture, vous pensez fort légitimement qu’il ne peut y avoir d’histoire du voyage dans le temps puisque ce dernier n’existe pas. Ah, fats ! (c’est mignon comme exclamation, « Ah, fats ! », n’est-ce pas ?) Je bénis les anglais pour avoir gardé la formulation en « n’est-ce pas ? », c’est tout de même bien plus élégant qu’un « quoi ! » ou un « gros ! » ou un tétanisant « ‘culé’ », du Sud. Là où je vis. Là où on évoque la vie sexuelle débridée et fessière de son interlocuteur à la fin de chaque phrase et, ça, c’est tout sauf élégant !
Ah, fats ! M’écriai-je alors que vous supposâtes (mais, pas de Satan) que le voyage dans le temps n’existe pas. Bien sûr que si, il existe, le voyage dans le temps. Ici, je pratiquerais volontiers la saillie sur le capitalisme, le libéralisme et la propriété privée qui ont renvoyé les humains à leur pré-humanité bestiale pour justifier la chose mais, je ne suis pas d’humeur. Le voyage dans le temps existe parce que le conte existe. Le conte, qui n’a pas été inventé par Smith, Taylor ou Ricardo, permet de laisser libre cours à l’imagination. L’imagination, qui ne caractérise pas les libéraux, a ceci de libérateur qu’elle permet tout en l’envisageant. Alors, voyage dans le temps ou vaisseaux voyageant entre les galaxies, êtres bizarres venus de très loin (à bord de vaisseaux voyageant entre les galaxies), voire sagesse humaine, tout est envisageable avec l’imagination. Même THT. THT qui, pourtant, part d’un postulat plutôt intéressant…
La digression élève l’homme (et, parfois, l’infirme même s’il est plus difficile de relever une feignasse)
Le passage que je préfère dans ce film que je considère comme une immondice infâme de propagande américone qu’est Captain Fantastic (avec le même Vig que celui de A History of Violence), le passage que j’affectionne tout particulièrement est celui où le papa (Vig) reprend sa fille qui tente d’exprimer son ressenti au sujet du livre qu’elle lit (Lolita, écrit par Dieu, oui, un autre). Il y est fait une très belle catilinaire dirigée contre l’emploi galvaudé du terme « intéressant » que sa fille utilise en première intention. Un « non-mot » pour le père qui veut qu’elle soit plus spécifique et s’exprime. S’ensuit une courte scène très touchante parce que tellement vraie… Ici, s'exprimer comme : rendre manifeste par toutes sortes de signes (langage écrit, oral, geste, attitude, réaction émotionnelle, etc.), de façon volontaire ou non, ce que l'on est, pense ou ressent.
La digression élève l’homme (peut-être pas les amateurs d’arènes sportives, ça fait quand même un sacré poids toute cette connerie…)
THT part du postulat que le voyage dans le temps a été inventé par un homme seul, enfin, c’est ce qui est raconté au début et le début n’est jamais que le début d’un tout dans lequel, ma foi, il peut se passer bien des choses (je suis passé maître dans l’art qui consiste à ne rien dire tout en en racontant assez pour éveiller la curiosité !). L’homme en question est américon parce que, oui, ces gens-là font tout, ils inventent tout, ils ont la plus grosse et, surtout, ce sont les gentils du monde. Ailleurs ne végètent que des sous-espèces partiellement terminées à la va-vite, des êtres inférieurs qui ne méritent que l’asservissement mental dont ils se rendent complices. Il est donc cohérent que tout, absolument tout sur cette planète qui nous châtiera bientôt pour notre imbécillité, tout ce qui est bon, beau, bien, amazing et intéressant, provienne de ce pays. THT, ce n’est pas la moindre de ses qualités, est filmé comme un documentaire fiction, un peu comme The Blair Witch Project avec moins de hurlements. Nous suivons une émission télévisuelle qui nous raconte cette histoire du voyage dans le temps et, youpi les amis ! Ça fonctionne. Pour peu qu’on se laisse porter… La digression élève l’homme sauf quand il subit une fièvre de… 38.6 degrés Celsius au moment où je tape ces mots. La mention « L’autre jour » qui introduit (hmmm) ce papier gras fait référence au matin du soir où j’écris ces mots. Encore fiévreux. Quand l’homme constate qu’il est chaud à ce point, il prend deux gélules magiques d’antipyrétique ou il hèle sa compagne pour l’inciter à se ventouser sur lui. Mais je suis seul, je prends donc deux antipyrétiques. La suspension consentie de l’incrédulité(1) dont j’ai dû parler ailleurs dans ce capharnaüm qui porte le même pseudonyme que moi avec un .com à la fin, est indispensable à quiconque prétend s’adonner à la fiction. À plus forte raison quand on prétend bouffer de la science-fiction et, ce, même si le terme est malmené depuis l’invention de la connerie que je situe autour du 4 juillet 1776. Mais je m’égare, Lazare. À condition de vouloir croire que THT relate une histoire vraie, il fonctionne. Pas besoin de se demander si ce que l’on voit à l’écran est réaliste ou convaincant. Étant donné que les 72 minutes du film sont remplies, en grande partie, par des entrevues et des reportages fictifs et que les tévés du monde sont aussi médiocres les unes que les autres, tout ce qui semble mauvais est de suite réaliste ! De toute façon, on n’aura pas mieux alors, autant croire à tout ce qui se passe sur l’écran ! Sur l’écran, donc, on parle d’un physicien qui invente une machine à voyager dans le temps. Ça part vite en salade de testicules parce que, bien entendu, la phrase précédente est trop simple et ne raconte rien. Un peu comme dans Primer, ça déconne ; un peu comme dans tous les films hollywoodiens, on a droit à une apologie de la cellule familiale américone (alors que, bon, on n’a pas besoin de ça, on est venu voir un crétin inventer une machine qui le dépasse) ; un peu comme dans tous les films hollywoodiens, on n’échappe pas à la propagande habituelle (ça, par contre, la Terre en a besoin et en raffole, autant la satisfaire), sans fard, sans honte, juste de l’aplomb. Pour avoir fait quelques lectures à propos de ce film, notamment sur imdb, il se trouve que, un peu comme dans tous les films hollywoodiens de (ce) genre, le réalisateur a disséminé des tas de détails d’ordre anecdotiques que pléthore d’enfants s’amusent à retrouver et commenter en visionnant le métrage (le cinéma s’est-il avili si bas ?). Sans nous avertir, il glisse des petites farces uchroniques, travestit les connaissances, genre, style : « Tiens, t’es sûr que c’est Nixon qui s’est fait abattre le 22 novembre 1963 ? », etc. Et lorsque l’ultime seconde du film arrive, tandis que je m’apprêtais à faire cuire un œuf sur mon front, l’indicible se produisit : la fin était absente ! Un peu comme si La Planète des Singes de 1968 se terminait avec Charlton Heston qui disparaît dans le lointain sans aller sur la plage. Monsieur Ricky Kennedy avait décidé de faire de son film une baudruche, un reportage tévé, en quelque sorte. Pourtant, mon incrédulité était bien suspendue… Encore loupé !
(1) Encore merci Krikri pour m’avoir édifié.
Angst contre Mausoleum (1983)
On ne sait jamais à quoi correspondent les dates qui accompagnent les titres de film sur internet, on fera comme si ces deux-là étaient sortis la même année, soit 1983, l’année qui a suivi les sorties de Conan Le Barbare et Blade Runner. Ce qui nous fait une année 1983 plutôt… besogneuse en comparaison de ce qui la précédait.
Mausoleum, Michael Dugan (1983)
Je n’ai pas réussi à aller au-delà des 45 premières minutes de Mausoleum. Ça ressemble à du Z qui se prend pour du B. Un film fauché, pauvre en idées et dépourvu de talents qui bouffe à tous les râteliers : le surréalisme italien (lumières rouges et vertes utilisées à mauvais escient), une touche d’érotisme (la scène de la maîtresse de maison possédée qui séduit le jardinier fait passer le porno amateur pour du Kubrick !) et l’horreur pathétique… des années 70. Une caricature, à l’image de l’affiche. Une torture.
Angst, Gerard Kargl (1983)
Le cas de Angst est très différent. Déjà, il faudra qu’on m’explique pour quelle raison, autre que sadique, le titre a été traduit par Schizophrenia ! C’est inadéquat, inexact et dangereux. Inadéquat parce que, même mon minable niveau d’allemand me presse de crier à la traduction erronée. Inexact parce qu’il n’est jamais question de schizophrénie dans le film. Dangereux parce que c’est laisser penser que tous les schizophrènes sont de dangereux fous sanguinaires. Après cette petite mise au point, il est important de préciser qu’il est tout de même possible que Angst ait inspiré G. Noé pour ses Carne et Seul contre tous (1991 et 1998) et John McNaughton pour son Henry, Portrait of a Serial Killer (1986). Ce qui n’est pas rien quand on est un tant soit peu cinéphile. Mais, mais, mais, de ce côté-ci de l’écran, Angst échoue là où les deux autres (Carne et SCT sont un peu liés et peuvent n’être qu’un) font du cinéma. Ce qui pourrait passer pour un chef d’œuvre de roideur et de cynisme digne de Less Than Zero, s’il s’agissait d’un bouquin, me semble perdre son temps à refuser tout parti-pris cinématographique. Les prises de vue emportées sont lamentables et ne font ressembler les séquences où elles interviennent qu’à des clips vidéos des années 80 et la voix-off ne distille que de l’ennui à vouloir être d’une neutralité blette. Pour un sujet similaire, Philippe Nahon et Michæl Rooker à eux seuls font cinquante fois plus que la non-intervention de Kargl. La seule réussite de Angst est de mettre mal à l’aise une fois, lors de l’assassinat de la jeune femme qui, malgré une mise en images et un montage infâmes, glace par son intensité réaliste. Je n’ai retrouvé une force pareille que dans les deux autres métrages cités dans cette chronique et Cannibal Holocaust, à mon sens indépassable dans le malaise. Ça y est, j’ai vu deux films cultes, Angst et Mausoleum, je peux retourner à mes films de cinéma…
Kalifornia, Dominic Sena (1993)
L’autre jour, j’ai revu Kalifornia avec Brad et Juliette. Film que j’ai sûrement vu sur petit écran plusieurs années après sa sortie puisqu’il est sorti l’année où j’ai décidé, sans demander l'avis du public, de faire la rencontre rapide et furieuse d’un rail de sécurité. Ça m’étonnerait quand même un peu que je l’aie vu avant avril de cette année en raison des activités qui furent les miennes entre janvier et avril, à savoir faire de la bécane, des apéros et me faire draguer par celle qui ne sera jamais citée dans ce coin de l'univers. De plus, un site français de cinéma, merdique mais de référence, m’indique une sortie en septembre. En septembre 1993, comment dire, je planais entre apprentissage de la vie sans jambes ni bras gauche ni équilibre, avec une copine qui avait déserté et du… Prozac. Administré pour raison inconnue, je veux dire à part celle, évidente, d’enrichir un peu plus un laboratoire pharmaceutique. Je planais, donc.
J’ai dû voir Kalifornia une seule fois sur un écran de tévé 30x30cm. Il y a 25 ans, à la louche. Je me souviens d’avoir apprécié l’exercice. C’est en le revoyant que j’ai pu confirmer que les effets du Prozac n’étaient pas totalement dissipés. Ce film est une drouille innommable ! Sena, venu de la pub et du clip aurait dû y rester. Il se prend pour Schumacher (qui aurait lui-même dû rester dans les jupons de sa mère ou demander qu’on l’abatte dès l’âge de quatre ans) qui aurait lu les deux commandements de Ridley scott : il place des fumerolles là où il n’y en a pas, des lumières aveuglantes et rasantes dans l’obscurité de la nuit nouâre, tout ça… Un vrai clip de glam-rock des années 80 ! Bon, admettons que l’esthétique des clips de glam-rock des années 80 soit acceptable… j’ai traversé cette décennie pour mon adolescence, ça ne l’était pas à l’époque, c’est devenu impie avec les années, mais, bon, admettons… Brad Pitt rend son personnage si caricatural qu’il fait passer les rednecks texans pour des titulaires d’une thèse en histoire moderne ; Lewis, qui pourrait être touchante dans le costume de son personnage se rend au même constat que l’autre byzantin et fait de la pauvre Adele une cruche poreuse. L’autre duo est bien plus intéressant et, lorsque Adele passe du temps avec Carrie, on rêve que la séquence dure un peu. Et non, Dominic castre tout le monde et remet les pendules à l’heure en séparant les deux personnalités qui s’apprivoisaient. Bravo Domi, vas-y, balance-nous un peu d’hémoglobine trop rouge pour faire réaliste, histoire de ne pas choquer les masses qui pourraient se déplacer pour voir ton métrage… Tout est toc dans Kalifornia, le prétexte, les personnages, les acteurs, les fumerolles et les lumières rasantes tout autant que l’obscurité de la nuit nouâre. Jusqu’à la lie, la nausée, jusqu’à l’exécution du méchant par le gentil qui, poussé par l’évidence qu’il refusait jusqu’alors de voir, perfore le crâne du premier parce que, faut pas déconner, les mecs comme ça ne méritent pas de vivre ! Exécution suivie du final heureux pour bien signifier à toute la planète que, on vous l’avait bien dit qu’ils ne méritent pas de vivre, la preuve les gentils sont graciés par la haute autorité morale…
Kasabian, West Ryder Pauper Lunatic Asylum (2009)
La popularité de ce groupe n'a certainement pas besoin de ce site pour continuer la phase ascendante entamée en 2004, mais il me parait opportun d'ajouter quelques mots à propos de cet album que je trouve exceptionnel au point de laisser tomber quelques défenses réflexes que j'ai acquises au fil du temps. Parce que, comme pourrait le dire Georges Foveau, seul le résultat compte. Le premier album, en 2004, avait ouvert la voie de fort belle façon ; Empire, comme beaucoup de deuxièmes albums, m'avait profondément déçu, disque tiède, sans personnalité (j'aurais pu en dire que les obligations mercantiles ont été plus promptes que le talent)... C'est 2009 qui devait révéler le talent incroyable de ce quatuor avec ce West Ryder Pauper Lunatic Asylum. Je tenterais de ne pas être redondant sur l'évidence de la variété de ce disque, en ajoutant simplement que j'ai rarement été aussi enthousiaste à ce sujet, que les garçons font un grand écart entre chaque chanson et qu'ils parviennent à faire de chaque morceau un moment de bravoure, un modèle de composition et un écrin de plaisir d'écoute ; la moitié de l'album donne envie de danser comme rarement ! Pour cette seule raison, je le recommanderais à tout amateur de musique.
After Midnight contre The Battery ou la revanche des anti-hollywood
After Midnight, Jeremy Gardner et Christian Stella (2019)
Il est des films dont on ne sait que penser, dont on ne sait quoi dire, qui ne nous ont ni touché, ni surpris ou excité mais, qui ne laissent pas indifférent. After Midnight est de ceux-là. Typiquement le film de deux passionnés (ou de pauvres types cherchant fortune facile) qui tentent de percer à hollywood avec une idée et un ton qu’ils espèrent suffisants pour ramasser un magot. Tous deux s’essaient un peu à tout ; surtout jouer la comédie pour Gardner et plusieurs postes de production pour Stella. Ils finissent par coréaliser After Midnight qui nous intéresse ici. Peut-être parce que les deux gus ne savent pas ce qu’ils veulent, leur film ne sait pas où il va, oscillant entre romance et film flirtant avec l’horreur ou le… mystère. Ce qui donne un cocktail bancal : sirupeux et anxiogène, tendre et préoccupant. D’un côté, ce couple très touchant, de l’autre, ce malentendu avec ce pauvre gars qui jure qu’un monstre visite les abords de la maison après minuit. Si c’est l’histoire du couple qui l’emporte c’est bien parce que c’est là-dessus que les auteurs ont insisté et parce que celle du monstre est anecdotique, mal foutue et ridicule pour son final, c’est-à-dire quand on voit le monstre presque en-pied. Il ressemble au cascadeur (ou acteur) déguisé en monstre multicolore qu’il est (la même chose que sur l’affiche avec des couleurs de paquets de bonbons !). La dernière fois que j’ai vu un costume de monstre aussi mauvais, les années 80 étaient naissantes. Avant cela, point de « mystère » comme c’est annoncé, de simples indices qui ne ressemblent même pas à des anecdotes, pas traités, pas mis en scène. Pas de progression dans l’angoisse, c’est au spectateur de se souvenir qu’une menace est sous-jacente. Les réalisateurs ne s’ennuient même pas à essayer de jouer sur l’ambivalence monstre/désordre mental dû à la disparition de la fille. Non, jamais on se demande si le pauvre garçon ne pourrait pas perdre le Nord… Enfin, After Midnight souffre de la même incurie formelle que The Battery, à peine si Gardner ou Stella se donnent la peine de travailler leurs cadres. Bof, donc ! Néanmoins, After Midnight réussit son histoire de cœur – comme Gardner avait réussi son histoire d’amitié de The Battery – grâce, notamment à une séquence de quinze minutes en plan presque fixe du couple. Probablement mi-écrit, mi-improvisé, le dialogue est authentique (les deux acteurs sont en couple dans la vraie vie) et poignant. Les cassettes vidéo sont à bas prix de nos jours, il serait dommage de se priver d’une telle séquence…
The Battery, Jeremy Gardner (2012)
J’ai visionné The Battery sur un vieux magnétoscope que j’ai dû réparer avant de le faire fonctionner. J’ai fait ça (visionner, pas réparer) en une seule fois alors que je projetais de le faire en plusieurs fois, comme un pauvre humanoïde dégénéré du XXI° siècle. Parce qu’il m’a entraîné avec lui dans son récit aux rouages surprenants. Pourtant, le synopsis est assez simple : deux potes sur la route. Nous n’aurons aucune explication. Ils marchent dans un décor d’amérique profonde, de cols bleus et de laissés pour compte. Parfois, ils croisent la route d’êtres humains hagards qui montrent une hostilité qu’on devine provoquée par une faim violente et irrépressible. On apprend à les connaître – les deux mecs, pas les égarés – de façon plaisante, à travers quelques péripéties et, de façon bien plus subtile, grâce à des scènes où l’écriture de Gardner fait des étincelles (il est auteur et réalisateur). Les deux personnages qui ressemblent, au début, à des caricatures s’étoffent jusqu’à devenir aimables dans leurs contradictions. Les dialogues – même si on devine de nombreuses parties improvisées – font mouche, ils puent la réalité, ne s’embarrassent pas de justifications (pas plus que le scénario qui n’est pas dans le conte mais le factuel) ni d’ambages. Comme pour After Midnight, le film s’intéresse finalement bien plus au portrait de ce couple (The Battery désigne le binôme lanceur/receveur de base-ball comme cela est expliqué ici) qu’au folklore de fin du monde qui les environne. Et pourtant, pourtant, plus que dans After Midnight qui bénéficie toutefois de sept années de maturation professionnelle supplémentaires, le folklore en question fourmille d’idées qu’hollywood aurait rêvé d’avoir. Ou plutôt qu’hollywood aimerait pouvoir porter à l’écran. C’est souvent d’une grande audace et trop réaliste pour les louloutes de Californie, ce, jusqu’à la conclusion de la (longue) scène éprouvante dans la voiture qui clôt le film… Enfin, là où j’aurais adoré que le film se close ; ces cons se sont sentis obligés d’y ajouter quelques secondes en forme de fin heureuse après les deux premières lignes du générique de fin. Si je ne racontais que cela sur The Battery, on pourrait croire que j’ai trouvé une pépite. Ce n’est pas le cas, le film me paraît souffrir de défauts qui, fort heureusement pour les pauvres hères de mon envergure, ne réussissent pas à contrebalancer les qualités qui le rendent attachant. Gardner sait écrire, à l’évidence mais, il a oublié que son support est cinématographique. Le film pourrait être tourné au téléphone portable que la différence ne serait pas si flagrante. Certains plans sont interminables et ce n’est pas justifié par l’ambiance ou les choix esthétiques absents. The Battery est un film figuratif bien écrit et qui recèle de nombreuses idées originales en plus de dresser un portrait double saisissant de réalisme. Jeremy Gardner et ses amis sont un peu les anti-hollywood du début du siècle.
Resolution, Justin Benson et Aaron Moorhead (2012)
L’autre soir, fraîchement célibataire et un peu désœuvré, je me suis rendu chez mon fournisseur habituel pour y louer la cassette de Resolution, titre entraperçu dans une liste de films étiquetés « indépendant, mystère, horreur, sci-fi ». Bien entendu, pas une seconde il ne s’agit de science-fiction, terme le plus malmené depuis sa création. L’horreur y est si ténue, si différée, qu’il faudrait être hypersensible, mal réveillé, exténué ou enceinte pour ressentir un frisson. Mystère est un substantif bien pratique – pas étonnant qu’il n’ait fait son apparition que récemment dans l’industrie du divertissement cinématographique – qui ne désigne rien d’autre que l’intégralité de tout ce qui est produit en matière d’imaginaire, ce qui est bien conséquent, on en conviendra ; un peu l’équivalent de parler de la mer Méditerranée en l’étiquetant « milieu aquatique ». Quant à indépendant, ici encore, le mot ne veut rien dire, personne ne dit à quoi cela fait référence ; mais, cette mention a son importance pour attirer tous les bobos de type inrockuptibles du monde. Resolution sera un film moderne tourné avec peu de moyens. « Peu » s’entend ici en comparaison des productions dispendieuses de Californie, c’est-à-dire une fortune pour un film pareil. C’est le résumé de l’intrigue qui m’a poussé à louer la cassette : un gars marié se rend chez un pote pour le séquestrer durant une semaine dans le but de le désintoxiquer de son addiction…
… la digression élève l’homme. Je suis triste : l’Académie a fait passer le substantif « addiction » dans son dictionnaire. J’avais espéré qu’ils fassent l’effort de trouver un équivalent avec le verbe « adonner » ou imposer le fort juste « accoutumé ».
… son accoutumance à la méthamphétamine. Tout ne se passera pas comme prévu. Le résumé promet bien des choses très floues et c’est bien du flou qui va parvenir au spectateur. En plus des pourvoyeurs de drogue violents, d’une histoire floue d’étudiants français qui auraient étudié les légendes locales et des rencontres qu’on pourrait qualifier d’inquiétantes (elles ne sont que floues), Justin et Aaron font des efforts pour suggérer la présence d’indicibles menaces. Mais les procédés sont si hésitants que le spectateur que je fus n’y a perçu que du dilettantisme. Je me dirigeais donc vers un abyme de lassitude quand, soudain, le rebondissement ultime tenta de me prendre à la gorge ! Sortie de nulle part, si ce ne sont les éparses petites coupures d’images incompréhensibles et la présence d’inexplicables vidéos trouvées par les deux personnages principaux, l’explication de tout ce remue-ménage ! Explication qui reste partielle – et je ne parle pas seulement là de l’ombre (et seulement l’ombre) menaçante et, à l’évidence effroyable, qui s’étend sur nos deux personnages – et laisse Inbadreams sur sa faim qui n’était déjà pas celle d’un ogre arrivé à ce stade du récit. Comprenons-nous bien, je n’ai aucun besoin d’être tenu par la main ni qu’un auteur ou un réalisateur me livre le contenu de ce qu’il avait en tête pour son métrage. Je parle ici d’un film plat qui traite chaque thème, chaque indice, chaque fausse piste de la même morne façon. Parce que, comme pour After Midnight, on ne sait jamais où se trouve le sujet, c’est la valse des hésitations ; pas plus que Gardner ou Stella, Justin et Aaron n’utilisent pas le langage cinématographique et se contentent de poser le brouillon de leurs idées sur la grande table qui fait face aux spectateurs. Les anti-hollywood manquent de méthode. Sauront-ils inverser la tendance avant la disparition de la vie telle que nous la connaissons ? Le suspense est insoutenable.
The Fare, D.C. Hamilton (2018)
Une idée ne fait pas un film, il faudrait l’enseigner dans toutes les écoles élémentaires américonnes. Hollywood est déjà chiant dans ses grandes largeurs industrielles mais, au final, hollywood devient extrêmement pathétique dans sa dimension sociale. Un tel miroir aux alouettes ; exposé au vu et au su de près de 335 millions de têtes de bétail nourries à l’égocentrisme et vouées aux cultes de l’abondance, l’avidité, la propriété et l’argent fétiche ; un tel miroir aux alouettes a de quoi tourner la tête du plus raisonnable des hommes et peut-être même de Noam Chomsky mais, c’est une autre histoire. Cette simple constatation mathématique faite, tournons-nous vers The Fare de Dagobert Charles Hamilton. David Coco Hamilton a certainement formulé le vœu de trôner aux côtés des plus illustres réalisateurs américons (et se tailler une part du magot), un jour, en bossant la versatilité (principalement réalisation, écriture et montage), ce qui fait de Dimitri Celio Hamilton un homme d’ambition. Mais, alors, pourquoi Drago Cyrile Hamilton s’est-il réveillé un bon matin avec la mission de réaliser un film basé sur une seule idée aussi triviale qu’une dispute de cours de récré ? Je pose la question parce qu’il me semble que nombre de réalisateurs américons reconnus le sont devenus grâce à, au moins, un film potable, si ce n’est remarquable. Pas lui. Cinq ans après son premier court métrage, il commet The Fare, deuxième long après The Midnight Man. Arrêtons-nous dix secondes sur le résumé de The Midnight Man : « After losing his rare genetic disorder--or the incredible ability--to be impervious to hurt, a hired assassin discovers the direct and immortal beauty of pain ». Est-il possible d’imaginer pareil synopsis quarante ans après l’abolition de la peine de mort ? Que The Fare soit un film fauché à l’aspect de téléfilm ne serait en rien rédhibitoire, s’il était bien ficelé ou construit. Or, The Fare est aussi poussif au XXI° siècle qu’une coda en forme de « Ce n’était qu’un rêve ». The Fare n’est pas une affaire et si, un jour, notre mouton du jour Dialla Clarence Hamilton propose un film remarquable, je m’émascule à la lime à ongles.
Respirer ou pas, telle est la question ?
Don’t Breathe, Dede Alvarez (2016)
Trois cambrioleurs entrent par effraction chez un vétéran dans l’intention de lui dérober un magot présumé. Le pauvre homme est aveugle oui mais, c’est un vétéran des Forces Spéciales (celles qui ont permis aux usa de se faire respecter au Vietnam, en Afghanistan ou en Irak, je sais plus), il va donc leur mettre la pâtée. Vendu comme un film d’horreur, DB est un honnête film de tension durant lequel on retient sa respiration. Tiens tiens… Les bestioles de A Quiet Place sont remplacées par un vétéran aveugle. On a presque affaire à un huis-clos, car l’action se déroule majoritairement dans la maison du soldat. Le principal rebondissement est vraiment surprenant et pourrait faire de DB1 un vrai drame. Sauf que c’est hollywood, ça pétarade, ça court, ça saute, ça gesticule et les sujets intéressants servent à cacher la misère. Comme disait un grand philosophe du siècle dernier : « ça fait voir », comprenons par là que ça distrait pendant 1:38.
Don’t Breathe 2, Rodo Sayagues (2021)
Cette fois-ci le soldat dérangé (et aveugle, ça nous fait deux handicaps) est la victime de très passables et toutes petites frappes locales. Va-t-on assister à un nouveau duel opposant voyants et non-voyant ? Que nenni ! Le générique annonce des personnages créés par… et c'est tout ce qui relie DB1 et DB2. Grosso merdo, comment prendre les gens pour des idiots et réussir. Sam Raimi, manifestement lassé de la création, se contente de produire les deux films. C'est à cet illustre bonhomme que l'on doit donc ce mépris. Mépris qui peut se résumer dans ce qui pourrait être les accroches des films : DB1 : « Seul chez lui et aveugle, il repousse les assauts de trois cambrioleurs ! » (tatan!) DB2 : « La vie s’écoule, paisible, rythmée par les entraînements paramilitaires quotidiens lorsque le destin frappe et là, une seule alternative : le muscle ! » (retatan!) Pour DB2, Dede et Rodo (co-auteurs) recyclent des éléments visuels du premier épisode, le personnage central (pour attirer le gogo moyen qui pense voir une suite honnête à DB1), annoncent la suite de Don't Breathe, ramassent un rebondissement sorti de nulle part sur le sol détrempé (d'essence, c'est pour le feu de la Saint Jean final), font d’un honnête film de suspense un Rambo moderne (urbain et repentant) pour finir par nettoyer tout par le feu (pratique, le feu chez hollywood). Oh non, même pas, le feu ne purifie que le précédent film. Escroquerie ? Sûrement. Inutile ? Vous lisez dans mes pensées.
Ten Minutes To Midnight, Erik Bloomquist (2020)
Les films en « Midnight » seraient-ils destinés aux mêmes écueils ? L’autre soir, j’ai regardé Ten Minutes To Midnight, un film qui ne sait pas où aller. Un peu comme After Midnight. Ici, le personnage qu’on imagine très vite central se fait mordre par une chauve-souris à son arrivée au studio d’enregistrement de son émission de radio sobrement intitulée Ten Minutes To Midnight. On pense de suite à une histoire de vampire et… c’est le début des emmerdes. Après une galerie de personnages aussi improbables que ceux de certains films de Lynch, l’action part dans tous les sens : la piste du vampirisme se dilue dans les interactions hallucinées entre personnages, on commence à penser à un mauvais rêve puis un plan psychédélique et on finit par comprendre que Ten Minutes To Midnight est aussi un hommage aux films d’horreur de série B des années 80 ; un hommage à l’actrice principale, égérie de films de ce type ; un hommage aux émissions de radio libres et un hommage au Heavy Metal et un film gore (mais pas trop) au budget famélique(1). La dernière scène est littéralement un mélange de tout ça, au mépris de toute cohérence. Ça fait vraiment beaucoup mais, ça reste jouissif tellement c’est bordélique.
(1) Une grosse éclaboussure de faux sang sur un miroir ou une vitre pour cacher la boucherie qui est censée provoquer ladite éclaboussure et, hop ! le tour est joué, nul besoin de maquillage, tout est derrière le sang sur le verre.